Quel est le meilleur bouchage ?
Près de 80% des bouchons utilisés pour fermer une bouteille de vin sont en liège, mais les bouchons synthétiques et les capsules à vis grignotent progressivement des parts de marché.
Le liège est aujourd’hui le matériau le plus utilisé pour le bouchage des vins et en particulier pour les vins de garde. Il était même utilisé durant l’Antiquité pour fermer les amphores. Il provient de l’écorce du chêne-liège dont la production est concentrée sur le bassin méditerranéen, et surtout en Espagne ou au Portugal.
Le chêne-liège vit environ 200 ans et c’est la seule espèce dont l’écorce se régénère après prélèvement. Il faut toutefois attendre que l’arbre ait une quarantaine d’années pour qu’il produise la qualité requise pour les bouchons et le liège n’est récolté que tous les neuf ans.
Une majorité de vins haut de gamme utilisent le bouchon, mais la tendance évolue graduellement vers une utilisation plus importante d’autres types de fermeture sous l’influence de certains producteurs prestigieux des deux hémisphères.
Les reproches faits au liège sont nombreux, dont notamment évidemment le goût de bouchon (résultant de différents haloanisoles), mais surtout aussi la variabilité d’une bouteille à l’autre du fait des différentes porosités, élasticités et par exemple de lots de bouchons utilisés.
Sur des vins à consommation rapide (2-3 ans), ce n’est pas nécessairement problématique, car la différence reste souvent imperceptible. En revanche, pour les grands vins qui, eux, doivent vieillir plus longtemps, la différence d’une bouteille à l’autre peut être très marquée au bout de 5 ou 6 ans.
Par ailleurs, la porosité du liège nécessite l’utilisation d’une dose de S02 plus importante à l’embouteillage, afin que l’oxygène présent et échangé dans les premiers mois soit absorbé et la qualité du vin maintenue. Vu la demande du consommateur d’utiliser moins de S02 dans les vins, l’utilisation de bouchon à vis devient de plus en plus demandée.
Les bouchons synthétiques (à base de plastiques ou issus de plantes) ou agglomérés (les pores naturels du liège sont bouchés avec un mélange de colle alimentaire et poudre de liège afin d’en améliorer l’aspect visuel) sont quant à eux majoritairement utilisés pour des vins à consommation très rapide, leur porosité étant en général beaucoup plus importante. Leur coût est aussi beaucoup moins élevé ce qui est important pour des produits de « masse ».
Alternative au liège, le bouchon synthétique est apparu au début des années 1990, ses débuts ont été difficiles car les œnologues ignoraient tout de l’impact des polymères plastiques sur le vin.
En 1999, après des années de recherche, le Belge Gert Noel et son fils Marc lancent le bouchon Nomacorc et installent leur usine à Thimister-Clermont. Ils deviennent rapidement leader mondial du marché des bouchons synthétiques pour vin tranquille grâce à un procédé breveté de co-extrusion.
Le bouchon garantit ici une gestion de l’oxygène homogène après l’embouteillage et élimine les risques d’altération du goût liés aux phénomènes d’oxydation, de réduction ou, forcément, de goût de bouchon. Depuis quelques années, les différentes sociétés du groupe qu’étaient Nomacorc, Ohlinger et Juvenal en Afrique du Sud ont été regroupées sous la bannière Viventions.
Les bouchons techniques quant à eux consistent en une partie centrale agglomérée et un ou deux disques de liège naturels (du côté liquide ou des deux côtés). Ceux-ci sont majoritairement utilisés pour les vins de Champagne et divers effervescents (cava, prosecco…).
Le liège conserve encore une très grande longueur d’avance, surtout dans l’imaginaire des consommateurs traditionnels qui considèrent qu’un grand vin ne peut être bouché que par un liège naturel. Les producteurs de bouchons de liège sont aussi de plus en plus conscients que des efforts doivent être faits afin de garantir le meilleur standard de qualité.
Le groupe Amorim, numéro 1 mondial du bouchon de liège naturel, a notamment développé un bouchon garanti (sans goût de bouchon) dénommé NDTech, qui a récemment été adapté pour boucher les bouteilles de vins effervescents (bouchon « champignon »).
Les autres solutions utilisées
Du côté des vins dits « tranquilles », de nombreux producteurs d’appellations et vins prestigieux ont décidé de s’éloigner des bouchons liège traditionnels, frustrés par leurs résultats et se sont tournés vers un bouchon micro-aggloméré particulier.
L’acteur principal de ce type de bouchage est la société française Diam. Celle-ci récolte le liège sur les arbres, le réduit en poudre et le purifie avec du CO2 dit “super critique”, c’est-à-dire chauffé et compressé pour atteindre un état entre liquide et gaz. Le CO2 passe à travers de molécules de liège et les nettoie de la TCA ainsi que d’une centaine d’autres molécules pouvant modifier le goût du vin.
En 2017, Diam a sorti le bouchon “Origine” où le liant se fait avec de la cire d’abeille et où le polyuréthane de base a été remplacé par de l’huile de ricin. Le tout apportant au bouchon une meilleure élasticité et une meilleure perméabilité, et donc une durée de vie plus longue au vin.
La problématique du champagne
Etabli à Pierry sur les coteaux au sud d’Epernay, Jean-Marc Sélèque est de ceux qui font bouger les lignes en Champagne. Troisième génération du domaine, ce jeune trentenaire produit de grands champagnes d’auteur « élevés dans le tempo d’un mouvement lent, précise-t-il en ouverture de son site web, une composition qui s’écrit en douceur, respectant le fruit, la vie, le lieu pour tendre vers l’harmonie ».
Pour boucher ses bouteilles, il devait bien évidemment trouver la meilleure qualité de liège. De 2005 à 2012, il utilise d’abord un bouchon technique, mais décida de suspendre son usage suite à une problématique d’évolution de ses vins qui ne correspondait pas à ce qu’il cherchait.
« Il y avait un côté techno qui me rapprochait trop de l’industriel, je voulais trouver de l’artisanal de très haute gamme, mais il est très rare. J’utilisais déjà le NDTech d’Amorim pour quelques vins tranquilles en coteaux champenois, j’ai opté en 2019 pour sa version destinée aux vins effervescents. C’est le double du prix d’un bouchon courant, mais Amorim s’engage à rembourser toutes les bouteilles qui auraient un défaut.
Je suis toutefois peu confronté à la problématique, car la prise de mousse de mes vins se fait sur liège (plutôt qu’une capsule) et je goûte 100% des bouteilles au moment du dégorgement. Mais lors de mon dernier contrôle, j’ai malgré tout trouvé deux bouteilles (sur 2500) qui présentaient un problème. De grandes maisons comme Bollinger ou Agrapart pratiquent le tirage sur liège, d’autres y viennent, nous sommes toujours occupés à challenger le bouchonnier pour avoir la meilleure qualité. Mais même si la pratique en hausse, elle restera minoritaire. »Jean-Marc Sélèque
Et la capsule alors ?
Débat récurrent dans le monde du vin : la capsule à vis prévaut-elle sur le bouchon en liège ? La capsule n’est pas nouvelle, elle a surtout été poussée par les producteurs australiens et néo-zélandais, frustrés de recevoir des bateaux entiers de bouchon de liège de piètre qualité.
Au début des années 2000, le taux de goût de bouchon était énorme sur de très nombreux vins de ce pays. Par ailleurs, étant un grand producteur d’aluminium, la Nouvelle Zélande a été le fer de lance de cette fermeture.
Rapidement adoptée par de grandes marques et domaines, la capsule est désormais naturelle pour les consommateurs de ces contrées. Son développement est toutefois assez lent en Europe, certains prétextant la perte du cérémonial du service et du célèbre « pops » à l’ouverture, même si le petit « chrick » du dévissage sonne bien aux oreilles aussi.
Le système est pourtant très simple à utiliser, plus besoin de tire-bouchon et on peut plus facilement refermer la bouteille si elle n’est pas vide. Le hic se situe plutôt au niveau environnemental, car n’étant pas 100% métallique, la capsule ne peut être recyclée. Une membrane synthétique est, en effet, collée à l’intérieur de la capsule et elle ne peut être retirée.
Les capsules à vis sont pourtant un gage de qualité. Nécessitant moins de sulfites (voir plus haut), elles protègent le vin d’une oxydation trop rapide et créent une barrière efficace qui n’affecte ni le goût ni le nez du vin. Et aucun risque de goût de bouchon… même s’il vaut mieux laisser aérer la bouteille quelques brefs instants avant de la servir. Enfin, et cela peut être utile pour certains, on peut les stocker verticalement et le goût est assuré d’une bouteille à l’autre.
Créé en 1997 sur les terres cathares dans l’Aude par Christian Collovray et Jean-Luc Terrier, rejoints par leurs épouses et, plus récemment, par leurs enfants, le domaine d’Altugnac propose trois gammes de vins : « Les Turitelles » avec six vins en IGP Pays d’Oc (la plupart vendus chez nous), « Terroirs d’altitude » avec sept vins en IGP et en AOP Limoux ainsi que deux « Cuvées parcellaires » en AOP Limoux.
Et, surprise, le bouchage varie selon les cuvées et les clients. « Historiquement, explique Jean-Luc Terrier, nous utilisons le liège naturel, mais aussi des bouchons synthétiques pour nos demi-bouteilles, des bouchons techniques Diam et… des capsules à vis. Il s’agit dans ce cas d’exigences de nos clients, comme par exemple de grosses brasseries qui travaillent plus facilement sans bouchon et, surtout, sans goût de bouchon. Idem pour certains marchés, comme les compagnies d’aviation qui la demandent.
La clientèle plus traditionnelle préfère le bouchon en liège, même si c’est celui qui a le plus de contraintes et de défauts. C’est paradoxal, car il permet le meilleur comme le pire. On observe entre 5 et 10% de déviation sur des bouchons en liège, même ceux qui sont garantis… On attend toujours le bouchon naturel sans défaut… Mais on peut le recycler, c’est un “déchet vert”.
En fait, il n’y a pas de vérité : nous travaillons par exemple depuis 25 ans pour un client en Angleterre qui a commencé par la capsule, puis le bouchon technique, puis le liège naturel avant de revenir à la capsule… La capsule est hyper efficace, propre, mais son point faible est le recyclage. »