Deux départements, deux cépages, deux appellations régionales, dix crus et… plus de 300 variantes de sols: le Beaujolais est une véritable mosaïque offrant des vins d’une grande diversité.
Lorsque l’on descend vers le sud de la France, le vignoble du Beaujolais déroule sur 55 km de Mâcon à Lyon, ses paysages de collines. Vignoble de coteaux, son fil conducteur est le gamay noir à jus blanc, un cépage emblématique qui règne ici en maître et qui fournit 95% de la production (en rouge ou en rosé). Côté blancs, le chardonnay est plus discret, mais il n’en est que meilleur.
Entre 2009 et 2018, à la demande de l’interprofession Inter Beaujolais, une étude de caractérisation des terroirs a été menée par un bureau d’études qui a effectué plus de 15.000 sondages de sols et près de 1000 fosses, permettant ainsi de dresser une cartographie détaillée du beaujolais. Celle-ci a permis au Mont Brouilly, sorte de « phare du Beaujolais » et point culminant de la région, de bénéficier depuis 2018 du label « Géoparc mondial Unesco » décerné aux territoires présentant un patrimoine géologique d’intérêt international. Ce géosite permet justement d’observer ces phénomènes géologiques remarquables. Une promenade sur le Mont Brouilly permet de les découvrir et surtout, grâce à plusieurs points de vue, de comprendre la réalité du Beaujolais dans son ensemble. Une visite plus qu’instructive.
Carte d’identité
Dix crus et deux appellations régionales – Beaujolais et Beaujolais Villages – couvrent le Beaujolais, chacun avec ses spécificités et ses terroirs. On retrouve ainsi dans l’AOP Beaujolais des sols typiques issus de marnes ou de calcaires de l’ère secondaire et quelques îlots volcaniques. Dans l’AOP Beaujolais-Villages, les terrains sont plus escarpés avec des sols de granite et de sable ou volcano-sédimentaires.
Dans les Crus qui suivent le cours de la Saône, on retrouve d’abord Brouilly et Côtes de Brouilly, le plus vaste et le plus petit des dix crus du Beaujolais. Ses sols contiennent, e.a., de la diorite, de la « pierre bleue » (ou corne-verte) âgée de 400 millions d’années et de la méta-diorite (ou granite rose) qui forgent l’identité des vins qui y sont produits avec plus d’une centaine de lieux-dits répertoriés.
Puis, successivement, l’AOP Régnié fait partie des crus les plus granitiques, l’AOP Morgon, ses pierres bleues et sa célèbre Côte du Py, l’AOP Chiroubles et ses cirques de granite et de gore qui offre des vins tout en fraîcheur et finesse, l’AOP Fleurie, archétype du cru granitique avec la colline de la Madone qui surplombe l’appellation, l’AOP Moulin-à-vent qui se partage entre sols granitiques et argileux, grès, calcaires et marnes, l’AOP Chénas aux sols proches de Moulin-à-Vent , l’AOP Juliénas où l’on retrouve des pierres bleues, et enfin l’AOP Saint-Amour qui, pour faire simple, allie un peu tout ce qui précède.
En pratique
Situé à Corcelette, entre Villié-Morgon et Chiroubles, le domaine Daniel Bouland possède quant à lui plusieurs lieux-dits réputés sur Morgon (Douby, Côte du Py et Les Delys), mais également de quelques parcelles en Chiroubles et Côte-de-Brouilly, pour une surface totale de neuf hectares menés en culture traditionnelle et non en bio, comme certains journalistes l’ont écrit.
Dans la partie nord du Beaujolais, les 400 hectares du cru Chiroubles sont répartis sur une seule commune. Les parcelles sont souvent très pentues, s’échelonnant de 250 à 600 mètres d’altitude. Le granite est le principal constituant des sols, surtout sous sa forme altérée et désagrégée en sables grossiers que l’on appelle le gore.
« Sur Chiroubles, explique Daniel Bouland, c’est effectivement du gorrhe ou du gore orange, résultat de la décomposition du granite en sable (quartz dominant) et argiles, cela ressemble à du gros sel. Là il n’y a pas de cailloux du tout, que du gore, du moins sur mes parcelles. Le Chiroubles est le cru qui se rapproche le plus du beaujolais, c’est le plus souple des crus, plutôt un vin féminin, avec des arômes plus floraux et de violette. »
« Ce qui n’est pas le cas de Morgon, poursuit le vigneron, qui n’a rien à voir avec le Chiroubles. Là on n’est que sur du sable, du schiste décomposé. Sur les lieux-dits, on est soit sur du sable, soit des cailloux. Cela peut changer en très peu de distances. Sur Bellevue par exemple, j’ai une partie sur les cailloux, et l’autre sur du sable, il n’y a qu’un chemin qui les sépare. Cela se goûte très fort dans les vins. »
Vins de caractère
À l’autre extrémité du Beaujolais, au pays des Pierres dorées, labellisé « Vignoble et découverte » depuis 2010, aux portes de Lyon, les maisons sont construites avec une pierre calcaire jaune très particulière qui, avec les rayons du soleil, prend une apparence dorée.
Jean-Paul Brun habite dans le village de Charnay-en-Beaujolais, à 15 km au sud de Villefranche-sur-Saône. Il y a repris en 1979 le domaine des Terres Dorées créé par son père, le faisant passer de 4 à environ 50ha aujourd’hui répartis sur plusieurs crus (dont Fleurie, Moulin-à-Vent, Brouilly et Morgon). Il a largement contribué à la reconnaissance internationale de la région.
Domaine des Terres Dorées – Photo : © Jean-Noël Martin
Soucieux des pratiques respectueuses proches de celles du bio (qu’il a pratiqué à une certaine époque) et adepte d’une viticulture naturelle, Jean-Paul Brun laboure ses sols à la charrue, il n’emploie que cuivre et soufre pour soigner ses vignes qu’il vendange manuellement, et ses raisins fermentent avec les levures indigènes.
« Notre sol, explique-t-il, c’est 20 ou 30 cm de terres sur du calcaire en strates et à 4-6 mètres de profondeur, c’est la roche-mère. Autrefois, il y avait ici une mer et on trouve encore couramment de nombreux fossiles dans les vignes. C’est du calcaire jurassique, le même qu’en Côte d’Or, mais ici il contient du fer qui, en s’oxydant, donne cette fameuse couleur dorée. Cette pierre a deux gros avantages : elle résiste au gel et se travaille très facilement. C’est pour cela qu’on la retrouve dans les vieilles maisons, les lavoirs, les croix, etc. »
C’est précisément dans ce secteur que Jean-Paul Brun possède ses plus grandes parcelles de chardonnay, près de huit hectares sur la trentaine plantée à Charnay. « C’est un terroir de prédilection pour le chardonnay, confirme-t-il, mais aussi pour le gamay ou le pinot noir, les trois cépages que je vinifie chacun séparément.
Le chardonnay donne toujours un très beau fruit et de belles acidités. On fait deux vinifications, une en cuve sur lies, et une autre en fût, cela donne deux vins très différents qui ont de belles caractéristiques avec de savoureuses nuances minérales.
Pour le gamay, je ne fais pas de macération carbonique, mais plutôt des vinifications longues, avec égrappage, très bourguignonnes, qui donnent des vins avec plein de fruits, très droits, très purs. C’est un peu cela la définition d’un gamay sur calcaire. Ces vins peuvent très bien aller avec la gastronomie ou bien sûr évoluer dans le temps. »