Qu’il soit fermé par un bouchon en liège ou une capsule à vis, un vin nécessite parfois un passage en carafe pour exprimer tous ses arômes. Mais pas toujours.
Etanche au liquide et perméable à l’air, un bouchon en liège permet une très lente oxygénation du vin tout au long de ses années de cave et donc de le conserver plus longtemps. Pour autant que le liège et le stockage soient de qualité, bien sûr.
Pour éviter le fameux « goût de bouchon », certains vignerons ont opté pour des bouchons synthétiques qui sont parfois accusés de favoriser une oxydation accélérée du vin, mais n’entrons pas dans ce débat ici. Quant à la capsule à vis, vu sa très faible porosité et donc le niveau inférieur en antioxydant (SO2), elle amène parfois un peu de réduction à l’ouverture (une odeur parfois désagréable), mais celle-ci disparaît après quelques minutes, il suffit d’être patient.
Cela étant, comment décider si un vin doit être aéré, carafé ou décanté ?
Le décantage
Dans ce cas de figure, l’opération ne se pratique/pratiquait que sur les très vieux vins. Rares sont toutefois ceux qui ont des vins de plus de quinze ans en cave, que ce soit à la maison, ou même dans un restaurant.
Décanter consiste dès lors à verser très lentement et très délicatement le contenu d’une bouteille dans une carafe pour séparer le vin des dépôts qui doivent rester dans le flacon. Le niveau de tannins et de couleur (qui précipitent avec le temps/l’oxydation et forment le « dépôt ») était jadis plus important mais il a tendance à diminuer (sauf de rares cas). Les sommeliers des grands restaurants utilisent une bougie pour éclairer le col et repérer les éventuels dépôts, mais cela fait davantage partie du spectacle que de la réalité quotidienne.
Attention à ne pas précipiter l’opération pour ne pas tuer le vin par un apport massif d’oxygène. Certains très grands amateurs de vieux vins, notamment de vieux Bourgognes (+30 ans) considèrent qu’il faut toujours laisser un peu de dépôt pour l’arôme et la structure du vin.
Néanmoins si souhaité, le décantage se fera dans une carafe de style « bec de canard » ou similaire, l’important étant que la surface du vin en contact avec l’oxygène soit quasi aussi minimale que dans la bouteille (donc le goulot doit être fin). Mieux vaut un peu de dépôt dans le verre qu’un vin mort…
Le carafage
Vous l’aurez compris, il ne faut pas décanter les jeunes vins, mais bien les carafer. Pour diverses raisons. Tout d’abord pour la jeunesse des vins elle-même. Les arômes des vins jeunes sont en effet souvent encore discrets, les tanins ne sont pas encore totalement fondus et un apport d’air leur permet de s’arrondir en vitesse accélérée en quelque sorte.
Autre possibilité, si le vin contient encore du gaz carbonique issu de la fermentation (que l’on remarque par une légère pétillance), un carafage permettra d’évacuer cela rapidement. Idem pour une légère réduction (une mauvaise odeur de style oignon brûlé).
Pour être efficace, cela peut paraître barbare, mais on laisse tomber littéralement le vin dans la carafe à la verticale et on le fait tourner ensuite rapidement jusqu’à le faire mousser. Après quelques minutes, les vrais arômes ressortent et vous profiterez pleinement de votre vin.
Quels vins carafer ?
Lorsque vous recevez des invités à la maison, vous n’avez bien évidemment pas envie de les décevoir et il est donc préférable d’ouvrir votre bouteille environ deux heures à l’avance pour le goûter. S’il est déjà agréable en l’état, laissez la bouteille ouverte dans un endroit frais (ou même en cave) et attendez patiemment l’heure du repas pour le servir.
S’il est trop serré et fermé, ne prenez aucun risque et carafez-le une ou deux heures avant l’arrivée des invités. A condition à nouveau de ne pas laisser le vin sur votre cheminée en hiver ou sur la table du jardin en été…
Cette opération peut se faire également la veille dans le cas de vins que vous savez charpentés et puissants. On carafera plus facilement un châteauneuf-du-pape ou un bordeaux charpenté qu’un bourgogne élégant, mais il n’y a pas de véritable règle. Juste pallier les inconvénients de la jeunesse par un apport rapide d’oxygène. Plus le vin est prestigieux et jeune (moins de 5 ans) plus vous aurez un avantage important à le carafer.
L’opération ne concerne pas uniquement les vins rouges : il est également judicieux de carafer certains vins blancs. Le carafage va leur permettre de développer toute leur palette aromatique et en accentuer leur fruit. Il existe également des modèles de carafe à double fond permettant d’y mettre quelques glaçons qui garderont le vin au frais durant la soirée. Alternativement, utilisez un seau à glace rempli à rebord de glace pilée, et déposer la carafe dessus (attention, le vin peut vite devenir trop froid).
Astuce : après le repas, rincez votre carafe à l’eau chaude et faites-la sécher la tête en bas. Si des taches persistent, remplissez-la d’eau, ajoutez une pastille effervescente pour prothèse dentaire et patientez quelques heures. L’effet est saisissant…
Au restaurant
La majorité des restaurants n’ont malheureusement plus de sommeliers aujourd’hui et le vin est souvent servi sans grande précaution, quand il n’est pas directement déposé à table. Une tendance que déplore Stéphane Dardenne, sommelier du restaurant bi-étoilé L’Air du Temps à Liernu.
« La restauration a énormément évolué ces dernières années, explique-t-il, vers les “vins menu” (80% des cas) et il est devenu rare de pratiquer une belle sommellerie. Mais c’est une chose que j’essaie de faire plus systématiquement avec les vins à la carte.
Dans les vins accompagnant le menu, il y a souvent des vins nature, comme les vouvrays de Michel Autran, ou plus libres, avec encore un peu de CO2 résiduel. Il est donc conseillé de les carafer ou pour les présenter sous leur meilleur jour. Pour cela, j’utilise un modèle unique de carafe, la Zalto Axium, assez étroite, élégante et standard.
Pour les vins à la carte, je carafe tout ce qui est jeune et qui ne bougera pas au service. Des vins jeunes de domaines tels que le Mas Jullien en Terrasses-du-Larzac ou le domaine Peyre Rose, également en Languedoc, doivent être être oxygénés pour libérer toute leur ampleur.
Idem pour les vins blancs, car on va gagner du temps en les plaçant directement dans la vasque (la surface en contact avec le froid est plus grande) et cela permet plus de précision des températures de service. Le carafage a aussi beaucoup d’impact sur le visuel du service, on peut mieux apprécier la couleur du vin, c’est pour moi une énorme plus-value.
Certains carafent aussi les champagnes, mais je trouve que cela n’a pas un énorme intérêt et les clients sont encore réticents. Pour ce qui concerne la décantation, c’est devenu extrêmement rare, car les restaurants n’ont plus de vins vieux. »
Ciel Rouge 2018
VDF de Michel Autran
Ancien médecin et passionné de musique, il se reconvertit dans la viticulture en 2006. Il s’installe à Vouvray et achète 3,6 hectares de chenin qui ont entre 50 et 85 ans. Il cultive en bio et sa philosophie est de laisser la nature s’autoréguler. Il produit 2 vins blancs secs : « Ciel Rouge » et « Les Enfers Tranquilles ».
Mas Jullien Blanc 2019
IGP Pays d’Hérault de Michel Jullien
Olivier Jullien a refait la réputation des vins du Languedoc en produisant des vins hauts de gamme. Il cultive des cépages rouges et blancs autochtones sur une vingtaine d’hectares à Jonquières. Il délaisse volontairement la certification biologique et biodynamie pour une liberté supérieure. Des vins d’exceptions et très rares.